Origine du poitevin-saintongeais
Le poitevin-saintongeais : langue d'oïl méridionale
Unité et variétés du poitevin-saintongeais
Parlanjhe : un mot commun à Poitou-Charentes-Vendée
 
Origine du poitevin-saintongeais

Patois • du radical patt exprimant la grossièreté (les dictionnaires).
Patois • « ancienne langue qui a eu des malheurs » (Sainte-Beuve). « Une langue est un dialecte qui a réussi, un patois est un dialecte qui s’est dégradé. » (A. Brun).
Langue • système de communication orale propre à une communauté.


Notre patois est une langue
Nous refusons le terme dépréciatif de patois pour désigner la langue qui se parle approximativement entre Loire et Gironde, Atlantique et Limousin, parce que les parlers de cette région présentent suffisamment de traits communs et différenciés du français pour constituer un système de communication. La langue poitevine-saintongeaise résulte de l’articulation du latin, langue des colonisateurs romains, par les peuples gaulois des Pictons et des Santons (substrat celtique) sous l’influence des Francs (superstrat germanique). Au sud de la Loire, l’influence germanique fut moindre qu’au nord : aussi le poitevin-saintongeais primitif fut-il plus proche de l’occitan ou langue d’oc qu’il ne l’est aujourd’hui. On peut aussi considérer qu’un parler occitan, remontant à la grande Aquitaine, a été recouvert par un parler d’oïl (Langue d’oïl fut inventé par les dialectologues pour désigner l’ensemble des parlers du nord de la Loire par opposition à l’occitan, oïl et oc signifiant oui.) Mais en tout état de cause, le poitevin-saintongeais, qui se forma en même temps que les autres langues romanes de France, ne peut-être considéré ni comme de l’ancien français ni comme du français déformé.

La dynastie des Guilhem
La grande Aquitaine, depuis la fin de l’Empire romain, est toujours restée plus ou moins indépendante, sans que les Wisigoths, Francs, et encore moins les Arabes, malgré des légendes vivaces, y aient laissé des traces sensibles. Le IXe siècle voit l’émergence d’une puissante dynastie féodale, la dynastie des Guilhem qui sont en même temps comtes de Poitiers et ducs d’Aquitaine. Après la prise du Pays de Retz par les Bretons (851), puis celle des Mauges par les Angevins, la Loire n’est plus la frontière nord de l’Aquitaine, mais les comtes-ducs dominent jusqu’aux Pyrénées. Ils disputent Toulouse et l’Auvergne à leurs puissants voisins, et supplantent de toute façon les rois francs. Sous le règne de Guillaume IX (1086-1127), comte de Poitiers, duc d’Aquitaine et de Gascogne, le Poitou et la Saintonge sont entièrement tournés vers le sud et le sud-est occitans.

Guillaume IX, surnommé « le Troubadour », est le premier poète connu de langue romane sur le territoire de l’ancienne Gaule. Sa langue, plutôt nord-occitane, n’est peut-être pas très éloignée de celle du peuple : en s’appuyant notamment sur les toponymes en -ac, on peut dire qu’au XIe siècle, la limite nord de l’occitan atteignait Poitiers. Mais des parlers nord-occitans ont pu confiner à la Loire, comme le suggèrent les traits grammaticaux de type occitan conservés dans les parlers actuels du nord-ouest du Poitou. Le pronom personnel i (je) suit un traitement comparable à celui de l’occitan ieu (moi), à partir du latin ego. Un mot aussi essentiel à la langue indique une communauté historique et linguistique ancienne. Le voyageur qui franchit aujourd’hui la Loire à Nantes trouve rapidement des toits de tuiles rondes à faible pente au lieu des toits pointus d’ardoise de Bretagne : autant que la pluviométrie, c’est une culture plus méridionale qui explique ce changement architectural.

Le mariage d’Aliénor, duchesse d’Aquitaine, avec le roi de France Louis VII (1137), puis son remariage avec Henri Plantagenêt, futur roi d’Angleterre (1152), n’entament en rien l’intégrité du duché. Reine ou duchesse, Aliénor protège les troubadours, comme Bernard de Ventadour. Sa cour est un lieu de rencontre entre la poésie courtoise du sud et la littérature d’inspiration celtique.

Sous la dynastie des Guilhem, le Poitou et la Saintonge connaissent une relative prospérité. Aux XIe et XIIe siècles, la région se couvre d’églises et d’abbayes romanes. La littérature de cette époque est en langue romane d’oc. Outre Guillaume IX, l’histoire a retenu les troubadours Jaufré Rudel de Blaye (XIIe siècle), Rigaut de Barbezieux (vers 1141), Savary de Mauléon (XIIIe siècle).

Entre deux royaumes
Du XIIIe au XVe siècle, le Poitou et la Saintonge sont au cœur du conflit entre deux royaumes, deux États en voie de constitution. La mort de Richard Cœur de Lion, guerroyant en Limousin, en 1199, celle de sa mère Aliénor en 1204, vont favoriser le roi des Francs, Philippe Auguste, qui cette même année entre à Poitiers. En 1242, Louis IX défait près de Saintes les troupes anglo-aquitaniques, conduites par le Poitevin Hugues X de Lusignan et Henri III, roi d’Angleterre, petit-fils d’Aliénor, et encore duc d’Aquitaine. Le roi de France installe son frère Alphonse sur le siège comtal de Poitiers et le marie avec la fille et héritière du comte de Toulouse : en ce milieu du XIIIe siècle, la « France » gagne sur le sud de la Loire, jusqu’aux Pyrénées. Mais il faudra attendre la fin de la guerre de Cent ans (1453) pour que l’appartenance du Poitou et de la Saintonge au royaume de France ne soit plus contestée par le roi d’Angleterre et acceptée par l’ensemble de la noblesse et de la bourgeoisie poitevines-saintongeaises.

Cependant, le Poitou et la Saintonge ont basculé vers le nord et les fonctionnaires royaux imposent la langue du roi de France. Les rares textes littéraires du milieu du XIIIe siècle sont écrits dans une langue composite, mais avec les chartes farcies de formes locales, ils témoignent d’une langue différenciée à la fois du français et de l’occitan.


Le poitevin-saintongeais : langue d'oïl méridionale

Graphie normalisée
Pour cette brève description du poitevin-saintongeais, on utilisera la graphie normalisée présentée dans la Grammaire du poitevin-saintongeais (Geste éditions) et exposée dans le tableau ci-dessous. Les réalisations y sont indiquées en alphabet phonétique international (API). Ne sont notés que les graphèmes (lettres ou groupes de lettres) correspondant à des traits phonétiques différents du français. Pour un exposé complet de la graphie normalisée, voir en rubrique Écri z-ou de maeme (orthographe du poitevin-saintongeais).

Exemples de traits phonétiques qui distinguent le poitevin-saintongeais du français
• Consonnes palatalisées : çhéle (cette, celle-ci), aghusàe (aiguiser), cllai (clé).
• Absences de diphtongues : prmére (première), téde (tiède), le vént (il vient), drét (droit), fendour (fendoir), neùt (nuit).
• Diphtongues : chantàe (chanter), vràese (braise), fumàie (fumée), novea (nouveau), chevàu (cheval).
• Conservation de voyelles latines : pale (occitan pala, français pelle), amourouse (oc. amorosa, fr. amoureuse), chalour (oc. calor, fr. chaleur).
• Maintien de consonnes intervocaliques : gllajhou (oc. glaujoù, fr. glaïeul), badàe (oc. badar, fr. béer), foujhàe (oc. fotjar, fr. fouir).
• Non anticipation de [j] : osea (oc. auseu, fr. oiseau), rasin (oc. rasin, fr. raisin), aghusàe (oc. agusar, fr. aiguiser).

Exemples de traits morphologiques
• L'article contracté dau, daus (du, des).
• Les pronoms et adjectifs démonstratifs çhau (ce), çhàu (celui), çhéle (cette, celle), çheù (cela).
• Le pronom i (je, nous).
• Le pronom neutre o complémentet sujet : i o di, çheù : je le dis, ça ; o bufe : il vente.
• Le pronom postposé lou (le) : balle me lou : donne-le-moi.
• Les troisièmes du pluriel accentuées : le chantant : ils chantent, le chantirant : ils chantèrent.
• Les passés simples en -gh : i oghi / i oghu (j'eus), i ae oghu (j'ai eu), i ae poghu (j'ai pu).
• Les subjonctifs en -jhe : qu'o séjhe : que ce soit, fàut qu'i men anjhe : il fuat que je m'en aille, qu'o finijhe : que ça finisse.
• Les troisièmes du pluriel de l'imparfait et du conditionnel en -iant et en -riant : l'aviant (ils avaient), le sentiriant (ils sentiraient).
• Les verbes inchoatifs en -esir, -zir : vérdesir : verdir, grandzir : grandir.
Tous ces traits sont de type occitan ou nord-occitan.


Exemples de vocabulaire commun avec l'occitan



Unité et variétés du poitevin-saintongeais

Pays de Retz
Les parlers du Pays de Retz, à l’extrême nord-ouest du domaine linguistique, peuvent être considérés comme faisant transition entre le gallo (langue romane de Bretagne orientale) et le poitevin-saintongeais. Ils comportent de nombreux traits poitevins-saintongeais, notamment dans les formes grammaticales :
• Pronom neutre sujet o / ou, ol / oul, complément ou.
• Pronom sujet i (je) seulement au sud.
• Article dou (du).
• Adjectifs démonstratifs quou (ce), quale (cette), qués (ces), formes non palatalisées comme au nord-est du Haut-Poitou.
• Troisièmes du pluriel accentuées : chantant (chantent), troisième du pluriel de l’imparfait en -iant : chantiant (chantaient)
• Participes passés en -ai [aï] et -àie [aïe], mais infinitifs en [é] : chantai (chanté), chantàie (chantée).
Cependant les pronoms sujets jhe (je) sans expiration, i / il (il, ils) sont comparables à ceux de la Saintonge. De même, si dans le sud on dit poumàe (pommier), plus au nord, on dit poumié comme en Saintonge.
• À bea (beau) correspond béou, forme gallèse, mais bea articulé [bia] se trouve dans le sud du Pays de Retz (cantons de Vieillevigne et Machecoul).

Marais de Challans ou Marais nord

Le parler maraîchin du nord peut être considéré comme conservateur.
• La diphtongue écrite ea depuis le Moyen Âge est réalisée éa / èa alors qu’elle est passée à [ia], [è], [a], [wa] dans différentes parties du domaine.
ll (l palatalisé) de poll (pou) ou de bllan (blanc), ailleurs souvent réduit à yod, est prononcé [ly].
r final est prononcé au sud du Marais dans les infinitifs : chantér (chanter) et les mots tels que prmér (premier), poumér (pommier).
• jh et ch sont prononcés avec expiration dans le sud du Marais comme dans le sud du Haut-Poitou et la Saintonge.
• Dans tout le Marais, la consonne finale t est prononcée en position accentuée même à la troisième personne du pluriel : le vat [vat’] (il va), le chantant [chantant’] (ils chantent).
• Les finales nasales se dénasalisent en position accentuée : moulin [moulan’] (moulin), mén [man’], mais mén dréte [min dréte] (main droite).
• La diphtongue oe est articulée [oï] en position accentuée, parfois [ow] : moe [moï], croes [croïs] (croix). À noter les imparfaits et conditionnels en -oe : i chantoe, i chanteroe (je chantais, je chanterais), en face de i chantàe, i chanteràe.
• Les verbes en -oer avec participes passés en -oe correspondent aux verbes en -eyàe : cartoer / carteyàe (passer à côté de).
• La diphtongue -éi dans des mots tels que créis (trou), béi (bœuf), çhéi (cela), s’oppose à -eù [eu / u] : creùs, beù, çheù.
• Le pronom inversé de la 1re personne est jhi comme en Saintonge : i venun jhi ? : venons-nous ?
• Le pronom possessif le men, le ten, le sen, se prononce comme au féminin (men = mene) et s’oppose à mén ou mun d’une grande partie du domaine. Cette prononciation se retrouve en Saintonge.

Niortais, Mellois, Saint-Maixentais
• Les parlers de cette région se caractérisent par une réduction des diphtongues notées àe et àu en [a] : chantàe [chanta] (chanter), poumàe [pouma] (pommier), tàete [tate] (tête), màesse [masse] (messe), màu [ma] (mal), chàud [chad] (chaud). On remarquera aussi les infinitifs avàe [ava], velàe [vela], savàe [sava], felàe [fela], en face de aver (avoir), veler (vouloir), saver (savoir), feler (falloir). À noter encore les variantes de sàe / de sér (ce soir), cràere [crare] / crére (croire), pàere / pére (pierre).
• Un [w] apparaît après consonne labiale devant én et é : poén / pén (pain), moén / mén (main), foére / faere (faire).
ùn et une tendent à remplacer in, ine.
Les auteurs du XIXe siècle de cette région notaient par –aie les finales des infinitifs et les participes passés féminins, preuve d’une réalisation [aï] comme actuellement dans une grande partie de la Vendée. Ils notaient aussi par –aue la diphtongue [ao] réduite à [a] depuis. Exemples :
« La feille de noutre meitre veint d’attrapaie la maladie la pu terriblle qu’o peuge avaie ine fame : all’att la leingue catéraie [paralysée] et all’ ne peut rein causaie. » (Édouard Lacuve, Le Canard potevin, 9 juin 1877)
« Coument noumaue quiol houme ? » (Comment nommez-vous cet homme ? - Édouard Lacuve, Le Canard potevin, 9 juin 1877).

Bressuirais, Mirebalais
• À la diphtongue -àe des infinitifs et des finales issues du latin -ariu, correspond une finale en -i : chanti / chantàe (chanter), poumi / poumàe (pommier).
• Les finales -ai, -àie peuvent être réalisées [-i] : pidai [pidi] (pitié), poràie [porie]
(poireau), chantàie [chantie] (chantée), mais ces traitements ne coexistent pas toujours.
• À noter dans le Mirebalais la réalisation de -ea [éa] comme à l’extrême ouest du domaine, dans le Marais de Challans : chapea [chapéa] (chapeau).
quou (ce), quoul (devant voyelle), quale, quélés (ces), formes non palatalisées du démonstratif, ont remplacé les formes palatalisées çhou / çhoul, çhale, çhélés, jugées trop « patoises » . Mêmes formes à l’ouest, au Pays de Retz.
On trouve les formes en -i chez les auteurs de La Gente Poetevinrie (XVIe siècle) et du Rolea (XVIIe).

Saintonge
On a eu tendance à considérer que le « saintongeais » s’étendait sur l’ensemble du département de la Charente-Maritime, et sur le département de la Charente, en dehors de la zone occitane. En fait le nord de la Charente-Maritime, Île de Ré comprise, qui correspond à l’Aunis, et le nord de la Charente suivent la phonétique et la morphologie poitevines. Mais la variété saintongeaise s’étend au nord de la Gironde (Grande Gavacherie) et à la région de Monségur (Petite Gavacherie).
• L’article dès a supplanté daus.
• Le pronom personnel de la 1re personne i (je, nous) a été supplanté par jhe. Il était encore en usage au sud de Saintes au XIXe siècle selon l’abbé Doublet (1825-1870), cité par Jacques Duguet dans son édition du Manuscrit en Pons (p.52). Les poésies de ce Manuscrit du XVIIIe siècle, attribuées à Jacques Besse des environs de Marennes, comportent les formes i et je (je, nous). Jhi est la forme du pronom inversé comme dans le Marais de Challans.
i et il devant voyelle sont les pronoms sujets au singulier et au pluriel au lieu de le et l’ : i disant (ils disent), il avant (ils ont).
çheù (ce) est la forme du démonstratif masculin au lieu de çhau.
• Les finales des infinitifs du 1er groupe sont en [é]. Les participes passés et noms féminins sont le plus souvent en [é], mais la diphtongue écrite –àie et réalisée [éïe] est présente dans les régions de Marennes, Oléron, Saintes, Jonzac, Chalais.
• Les imparfaits et les conditionnels sont en –i et –ri : jhe chanti (je chantais), jhe chanteri (je chanterais). Ces désinences rappellent celles de l’occitan en –ia et –ria.
• L’aire de poumàe (pommier) comprend Oléron, mais poumié et promié (traitement du suffixe latin –ariu) sont les formes du sud de la Saintonge.
• L’expiration de jh (dit « saintongeais ») se retrouve dans le Marais de Challans et le sud du Poitou.

Ainsi donc, des traits phonétiques considérés comme particuliers à une région du domaine peuvent se retrouver dans une autre. Des formes grammaticales « étrangères » ont pu être usitées. Et que ce soit à travers le temps ou l’espace, unité et diversité des parlers d’entre Loire et Gironde s’articulent dans un ensemble qu’il est justifié d’appeler langue poitevine-saintongeaise, zone occitane exceptée.

Structuration de l'espace linguistique entre Loire et Gironde
À partir de critères phonétiques (mais non morphologiques) s’appuyant sur les données de l’Atlas linguistique de l’Ouest (CNRS, 1971-1983), Liliane Jagueneau a défini trois « zones-noyaux ». Une zone du Centre-Ouest ou intérieure comprenant les parlers de Vendée, du sud du Pays de Retz, des trois-quarts sud des Deux-Sèvres, de l’Ile de Ré, une zone périphérique, entourant la précédente, et comprenant le nord du Pays de Retz, le nord des Deux-Sèvres, la Vienne, l’Aunis, la Saintonge et l’Angoumois, une zone occitane comprenant l’extrême sud-est de la Vienne, la Charente limousine. « Le "noyau intérieur" se caractérise surtout par son éloignement de la périphérie, dont il perçoit évidemment les "ondes" phonétiques, mais de manière assez atténuée. En effet, s’il admet la présence de modalités de type occitan, au même titre que l’ensemble de notre domaine, il se distingue par un faible taux de traits de type français. À ce noyau intérieur s’oppose le "noyau externe" constitué par la zone occitane […] qui tend à déborder vers l’espace intérieur. Enfin, entre ces deux noyaux, la zone intermédiaire apparaît comme le lieu de rencontre des modalités attestées de part et d’autre, mais aussi comme le lieu-source des modalités d’oïl, ou de type français. » (Structuration de l’espace linguistique entre Loire et Gironde, thèse. Université de Toulouse II Le Mirail, 1987).

Poitou – Charentes – Vendée
Il n’y a pas de terme traditionnel et unique pour désigner la région Poitou-Charentes-Vendée. (La SEFCO a proposé Aguiaine.) Mais la conscience d’appartenir à une même entité culturelle est ancienne. Un Noël gaillard du XVIIe siècle rassemble autour de la crèche des « pastoureas » de Poitiers, Mirebeau, Thouars, Bressuire, Melle, Niort, Fontenay-le-Comte, Les Sables-d’Olonne, Luçon, La Rochelle, Saint-Jean-d’Angély, Saintes, Ruffec, Angoulême. Il y a bien quelques « étrangers », mais c’est « ine viloine trolie / De Limousins affamis ».
La parodie d’un cantique de Grignion de Monfort, devenu chanson à boire, dit superbement :
« Bénissons à jamais
Le p’tit vin de Sigournais
Bénissons la Saintonge,
L’Aunis et le Poitou.
Dieu nous conserve tous
Jusqu’après les vendonges. »

En 1901, Octave Daviaud fonda Le Subiet des Chérentes et dau Pouétou, journal qui devait connaître une diffusion dans toute la région culturelle. La Société d’Études Folkloriques du Centre-Ouest (SEFCO), créée en 1961, reprendrait le titre. En 1971 la revue de la SEFCO expose le système de « graphie normalisée » de Jacques Duguet, graphie utilisée en 1973 pour la publication d’une Anthologie comprenant des textes de tout le domaine poitevin-saintongeais, du Moyen Âge au XIXe siècle. En 1968-1969, des associations se groupaient pour créer l’Union Pour la Culture Populaire en Poitou-Charentes-Vendée (UPCP), qui se donnait pour but la promotion de la langue et de la culture poitevines-saintongeaises.


Parlanjhe : un mot commun à Poitou-Charentes-Vendée

Certains ont cru y voir une invention récente ou d’un usage limité à quelques endroits du domaine linguistique. Il y a comme une sorte d’acharnement à réfuter le vocabulaire abstrait, à enfermer la langue dans le « patois », à la restreindre à l’ombre du clocher, aux limites du canton, quand ce n’est pas à son usage personnel : je ne connais pas ce mot, donc il n’existe pas !
Voici quelques attestations écrites de parlanjhe, dans ses diverses graphies.

• Georges Musset, 1938, Glossaire des patois et des parlers de l’Aunis et de la Saintonge :
Parlange, s.f. Langage, idiome, patois. Parlanghe, s.m. Langage. Parlanghe pointut, loc. : Français correct.

• Athanase Jean, alias Yan Saint-Acère, 1902 : La Mérine à Nastasie :
Aneut, i s’moquant d’nout’parlanghe !
Peurtant, Burgaud-des-Marets dit
Qu’en saintongheais, avec ses anjhe,
Le bon Dieu parle en l’paradit.


• Raymond Doussinet, 1963 : Le Paysan saintongeais dans ses bots : parler le jhabrail chérentais, le parlanghe saintongeais […]

• Eloi Guitteny, 1970 : Le vieux langage du Pays de Retz : Parlanges (faire des) : des conversations de longue durée.

• Lars-Owe Svenson, 1959 : Les Parlers du Marais vendéen : parlãj [parlange] s. m. langage, parler, parole.

• Anonyme, XVIIe siècle : Noël poitevin :
Quand ne fumes in in canton
Nau, nau,
Morea d’in joli prelonge
Nous venguit foire in sermon
Nau, nau,
De la vision de l’ange.


• Constant Thomas, 1901 : Ine vëillaëe chez Tapin (Saint-Philbert-de-Pont-Charrault, canton de Chantonnay, Vendée) :
En nous dizant que dan’ine grange
Ll’aviant trouvai in Autrichien
Que ll’compreniant pouet son parlange
Ll’a chet l’darér dan in chaudrin.


• Constant Thomas, 1898 : In voyage à Moïll’rin
L’régent li huchit tché du mot :
Jean, sumez-vous doz haricot ?
- Nérin, qu’o répounit le Jeannot,
Mossiu, ol é doz émogette.
Et l’régent rentrit avec li
Per vouer quem’sa b’sogne étet faite.
Après, ma, tot sul i m’dissit :
Ien qu’a pouet éventai la poudre,
Ol e tcho-la, i cré bé qu’voui.
Netre feïll’ qui sait la mu de coudre
Qu’nu baicop mu l’parlange que tchu.

(orthographe originale)

À une époque récente, le mot parlanjhe a été employé pour désigner la langue régionale. C’est déjà dans ce sens que l’emploie le poète paysan Constant Thomas (1872-1957) dans le texte qui précède.